Lorsque j’explique aux entrepreneurs qu’en Espagne, selon la région, ils peuvent payer entre 11 % et 25 % d’impôt sur les sociétés, ils me regardent souvent avec incrédulité.

C’est compréhensible.

Parce que ces différences sont bien réelles et parfaitement légales. Le Pays basque applique un taux d’impôt sur les sociétés de 11 % alors qu’à Madrid, on atteint 19 %. Les autres régions se situent quelque part entre les deux.

Voici le point clé :

La plupart des conseillers fiscaux n’évoquent même pas ces disparités régionales. Pourtant, en choisissant habilement votre implantation, vous pouvez économiser plusieurs milliers d’euros par an.

Je vais vous expliquer aujourd’hui comment fonctionne le système espagnol des Autonomous Communities (Communautés autonomes), et comment vous en servir pour optimiser vos impôts. Pas en théorie, mais avec des chiffres concrets et des étapes claires à suivre.

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Le secret du puzzle fiscal espagnol : pourquoi chaque région fonctionne différemment

L’Espagne n’est pas un espace fiscal uniforme, contrairement à ce que beaucoup imaginent. Le pays se compose de 17 Autonomous Communities (Communautés autonomes) bénéficiant parfois d’une autonomie fiscale significative.

Ce qui signifie : chaque région peut fixer ses propres taux d’imposition.

Régime foral vs régime général : la grande différence

Voici où cela devient intéressant. L’Espagne connaît deux systèmes fiscaux fondamentalement différents :

Le régime général (Régimen Común) :
15 des 17 régions suivent ce système. Le taux standard de l’impôt sur les sociétés est de 25 %. Toutefois, les régions peuvent réduire ce taux de 2 points maximum.

Le régime foral (Régimen Foral) :
Seuls le Pays basque et la Navarre bénéficient de ce régime historique. Ces régions prélèvent leurs impôts en toute autonomie et reversent une quote-part à Madrid.

Et c’est bien là le point crucial : les régions forales sont libres de fixer leur taux d’impôt sur les sociétés.

Racines historiques de l’autonomie fiscale régionale

Pourquoi de telles différences existent-elles ? La réponse se trouve dans l’histoire.

Le Pays basque et la Navarre disposent depuis des siècles de privilèges fiscaux spéciaux, appelés fueros. Ces droits, nés au Moyen Âge, ont même survécu à la guerre civile espagnole.

Franco les a supprimés en 1937, mais la démocratie rétablie en 1975 les a réinstaurés. Depuis 1979, ils sont inscrits dans la Constitution espagnole.

Résultat : alors que d’autres pays de l’UE luttent pour harmoniser leur fiscalité, l’Espagne maintient délibérément ces différences régionales.

Madrid vs Pays basque : comprendre en détail la différence de 8 %

Passons à du concret. Les chiffres sont éloquents :

Région Impôt sur les sociétés Système Économie par rapport au standard
Madrid 19 % Régime général 6 % de moins que le taux standard
Pays basque 11 % Régime foral 14 % de moins que le taux standard
Espagne (standard) 25 % Régime général

Madrid, 19 % d’impôt sur les sociétés : que se cache-t-il derrière ?

Madrid exploite tout le potentiel du régime général. Elle baisse le taux de base de 25 % de 2 points maximum, soit jusqu’à 23 %.

Le taux de 19 % s’applique à :

  • Les PME dont le bénéfice est inférieur à 1 million d’euros
  • Les entreprises nouvellement créées pendant les deux premières années
  • Les entreprises innovantes exerçant des activités R&D

En plus, Madrid présente de gros avantages en matière de taxe professionnelle. Alors que d’autres régions prélèvent jusqu’à 1 %, Madrid y renonce complètement.

Pays basque, 11 % d’impôt sur les sociétés : l’avantage foral

Voilà la véritable force du régime foral. Le Pays basque détermine son impôt sur les sociétés en toute liberté.

Les 11 % actuels s’appliquent à :

  • Les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 5 millions d’euros
  • Au moins 75 % de l’activité exercée au Pays basque
  • Siège social au Pays basque depuis au moins 12 mois

Attention : le Pays basque applique toutefois des cotisations sociales plus élevées. Il faut donc évaluer la charge fiscale totale dans son ensemble.

La Navarre est souvent oubliée, alors qu’elle bénéficie aussi du régime foral.

L’impôt sur les sociétés y est à 12,5 % pour les petites entreprises. De plus, il existe des dispositifs très avantageux :

  • Sociétés holding : règles particulièrement favorables

La Navarre allie fiscalité allégée et coût de la vie plus bas qu’au Pays basque. C’est donc une alternative intéressante pour de nombreux entrepreneurs.

Les 17 Autonomous Communities : comparaison fiscale complète

Regardons le tableau d’ensemble. Voici la vue complète sur toutes les régions d’Espagne :

Les régions les plus attractives fiscalement en un clin d’œil

Rang Région Impôt sur les sociétés Particularités
1 Pays basque 11 % Régime foral, taux le plus bas
2 Navarre 12,5 % Régime foral
3 Madrid 19 % Pas de taxe professionnelle
4 Galice 20 % Forte promotion de l’économie maritime
5 Andalousie 21 % Avantages pour le tourisme et l’agriculture

Les 12 autres régions se situent entre 23 % et 25 % d’impôt sur les sociétés. Elles attirent généralement moins les entrepreneurs internationaux.

Coûts cachés et spécificités régionales

Un taux bas d’impôt sur les sociétés n’est qu’une partie de l’équation. Chaque région a ses caractéristiques :

Différences de taxe professionnelle :

  • Madrid : 0 % (entièrement supprimée)
  • Pays basque : 0,75 % à 1,5 % selon la commune
  • Catalogne : jusqu’à 1 % supplémentaire
  • Îles Canaries : 0,5 % de base

Assurance sociale :
Le Pays basque et la Navarre prélèvent leurs propres cotisations sociales. Elles excèdent de 2 à 3 points le niveau moyen en Espagne.

Taxes immobilières :
Là aussi, de grandes différences existent : Madrid et le Pays basque affichent des droits de mutation nettement supérieurs à la moyenne.

Avantages sectoriels selon la région

Certaines régions encouragent spécifiquement certains secteurs :

Technologie et innovation :

  • Pays basque : crédit d’impôt de 30 % pour les dépenses R&D
  • Madrid : jusqu’à 50 % de réduction pour des projets innovants
  • Catalogne : soutien spécifique pour les start-ups

Logistique et e-commerce :

  • Navarre : régime fiscal forfaitaire pour les centres de distribution
  • Aragon : conditions attractives pour l’entreposage
  • Valence : soutien à la logistique portuaire

Énergies renouvelables :

  • Andalousie : bonus solaire jusqu’à 5 ans
  • Galice : investissements dans l’éolien à fiscalité avantageuse
  • Îles Canaries : zones franches pour projets énergétiques

Stratégies pour les entrepreneurs internationaux : comment tirer parti des différences

Passons à la pratique. Comment un entrepreneur international peut-il optimiser ces différences régionales ?

Résidence vs siège social : qu’est-ce qui compte vraiment ?

C’est souvent source de confusion. Voici la précision :

Pour l’impôt sur les sociétés : c’est le siège de l’activité qui compte, pas la résidence personnelle.

Pour l’impôt sur le revenu : c’est la résidence fiscale (règle des 183 jours).

Cela signifie : vous pouvez établir votre société au Pays basque, fiscalement avantageux, et vivre à Madrid. Mais il faut que 75 % minimum de l’activité soit réellement exercée au Pays basque.

Cette règle est strictement contrôlée. Le télétravail ne suffit pas.

Bien utiliser la règle des 183 jours

La résidence fiscale est déterminée selon la règle des 183 jours. Mais des stratégies existent :

Stratégie 1 : approche multi-base
Passez en Espagne au maximum 182 jours par an, le reste dans des pays plus favorables comme Dubaï ou Chypre.

Stratégie 2 : rotation régionale
Si vous devez être résident fiscal espagnol, alternez entre différentes régions. Important : le siège social reste dans la région la plus avantageuse.

Stratégie 3 : optimisation du foyer familial
L’Espagne considère aussi le « centre d’intérêt vital ». Positionnez judicieusement famille et biens immobiliers.

Bien utiliser les conventions fiscales internationales

L’Espagne possède plus de 90 conventions de non-double imposition (CDI). Voici comment en profiter :

CDI Allemagne-Espagne :
Particulièrement avantageux pour les sociétés de conseil et les prestataires digitaux. Les revenus sont majoritairement imposés au lieu d’exercice.

CDI Suisse-Espagne :
Intéressant pour les holdings. Les dividendes ne sont imposés qu’à 5 % à la source.

CDI USA-Espagne :
Bénéfique pour les sociétés tech avec clientèle américaine. Certaines royalties sont exonérées d’impôt.

Mise en œuvre : étape par étape vers la région optimale

Fini la théorie : voici le guide pratique !

Checklist de due diligence pour chaque région

Avant de vous décider, analysez ces facteurs :

  1. Calculez la charge fiscale totale
    • Impôt sur les sociétés
    • Taxe professionnelle
    • Assurance sociale
    • Autres prélèvements locaux
  2. Analysez les exigences de substance
    • Présence minimale de la direction
    • Salariés locaux requis ?
    • Bureaux indispensables ?
  3. Aides sectorielles locales
    • Votre business model est-il éligible ?
    • Attention aux offres limitées dans le temps
  4. Aspects pratiques
    • Coût de la vie
    • Infrastructures et accessibilité
    • Barrières linguistiques (catalan/basque)

Planning et démarche d’enregistrement

Le timing est crucial. Voici l’ordre optimal :

Phase 1 : Préparation (3-6 mois avant)

  • Comparer et choisir la région
  • Identifier un conseil fiscal local
  • Demander le numéro NIE (identifiant étranger)
  • Ouvrir un compte bancaire dans la région cible

Phase 2 : Création (1-2 mois)

  • Constituer la société dans la région choisie
  • Demander un numéro fiscal
  • S’enregistrer à l’assurance sociale
  • Lancer la première activité commerciale

Phase 3 : Sécurisation (en continu)

  • Documenter la substance de manière continue
  • Assurer la conformité fiscale régulière
  • Suivre les évolutions du droit fiscal

Évitez les pièges classiques

D’après mon expérience, voici les erreurs les plus courantes :

Manque de substance réelle :
Beaucoup d’entrepreneurs pensent qu’une adresse postale suffit. Ce n’est pas le cas. Les autorités espagnoles examinent de près la réalité de l’activité.

Optimisation fiscale sans validation juridique :
Toute structure doit aussi fonctionner d’un point de vue droit des sociétés et droit du travail. Optimiser sans cadre juridique solide finit mal.

Sous-estimation du suivi administrative :
La comptabilité et les obligations déclaratives espagnoles sont complexes. Prévoyez au moins 3 000 à 5 000 € par an pour un accompagnement professionnel.

Ignorer la barrière linguistique :
Au Pays basque et en Catalogne, avancer sans compétences linguistiques locales ou sans conseiller adapté est compliqué. Cela coûte du temps et des efforts.

Perspectives d’avenir : ce qui pourrait changer en 2025

L’autonomie fiscale régionale espagnole est sous surveillance. Tant l’UE que Madrid discutent de réformes.

Harmonisation européenne vs autonomie régionale

L’UE intensifie la pression contre la « concurrence fiscale déloyale ». Le régime foral est particulièrement dans le viseur.

Modifications possibles :

  • Taux minimal d’impôt sur les sociétés de 15 % dans l’UE (déjà décidé)
  • Durcissement des exigences de substance
  • Harmonisation des assiettes fiscales

Probabilité : Élevée. Le taux minimal de 15 % devrait entrer en vigueur en 2025.

Le Pays basque devrait alors relever son taux de 11 % à au moins 15 %. Malgré tout, la région restera plus attractive que la plupart des autres.

Mon pronostic pour les 5 prochaines années

À la lumière des développements politiques et des directives européennes, j’anticipe :

2025 : mise en œuvre du taux minimal UE à 15 %. Le Pays basque et la Navarre ajusteront leurs taux en conséquence.

2026-2027 : exigences de substance encore renforcées. Le télétravail seul ne suffira plus pour profiter d’avantages fiscaux.

2028-2030 : possible nouvelle harmonisation fiscale à l’échelle européenne, mais le régime foral devrait subsister.

Mon conseil : profitez des avantages actuels, mais bâtissez une vraie présence. Les montages boîte aux lettres n’ont pas d’avenir.

Les différences régionales restent un atout puissant pour optimiser votre fiscalité en Espagne. Mais uniquement si vous les exploitez correctement.

Vous avez des questions sur votre cas précis ? Parlons-en. En tant que votre mentor fiscal, je vous aide à trouver la région espagnole la plus adaptée à votre modèle d’affaires.

En attendant : bénéficiez des différences, mais faites-le intelligemment.

Votre RMS

Questions fréquentes (FAQ)

Puis-je bénéficier des faibles taux au Pays basque en tant qu’Allemand ?

Oui, mais il faut prouver une réelle activité au Pays basque. Au moins 75 % de vos opérations doivent s’y dérouler. Un simple siège social ne suffit pas.

Quel est le coût de création d’une S.L. espagnole selon la région ?

Le coût de base est d’environ 3 000 à 4 000 euros. Comptez 500 à 800 euros en plus au Pays basque et en Navarre pour les formalités propres au régime foral.

Dois-je parler espagnol pour diriger une entreprise au Pays basque ?

L’espagnol suffit : le basque n’est pas indispensable. Il est néanmoins conseillé de s’entourer de conseillers locaux maîtrisant les deux langues.

Combien de temps dure le changement de siège social entre régions espagnoles ?

Comptez 2 à 3 mois pour transférer un siège social. Important : vous devrez justifier la raison économique du transfert.

Quelle région est la plus adaptée pour une entreprise d’e-commerce ?

Madrid propose la meilleure infrastructure et n’a pas de taxe professionnelle. La Navarre dispose d’aides spécifiques à la logistique. Le choix dépend de la structure précise de votre activité.

Les avantages fiscaux régionaux sont-ils conformes à l’UE ?

Actuellement oui, mais l’UE examine de près le régime foral. La taxe minimale de 15 % prévue en 2025 réduira l’avantage, sans le supprimer.

Puis-je avoir plusieurs sociétés dans différentes régions d’Espagne ?

Oui, c’est possible. Chaque société est imposée selon les règles de sa région. L’activité réelle sur place reste indispensable.

Comment l’Espagne contrôle-t-elle la règle des 75 % au Pays basque ?

Les services fiscaux vérifient la répartition du chiffre d’affaires, l’implantation du personnel, la présence de bureaux et la réalité de l’activité. Documentez tout avec soin.

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